Introduction à la Science de la Publicité
Part.I - art. 1 à 20

par Jean-Pierre Voyer

" ... Peu à peu j'abandonnai l'idéalisme et j'en vins à chercher l'idée dans la réalité même."

Karl Marx à son père, 10 nov. 1837.

Ne vous effrayez pas, il y a de l'Idée à chaque ligne.

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La grandeur de la Science de la Logique et de son résultat final : la dialectique de la négativité comme principe moteur et créateur, consiste en ceci : Hegel saisit la réalité comme une unité - comme l'unité de ce qui existe et de l'apparence de ce qui existe. Le réel contient le négatif comme apparence et les peuples sont las quelque temps avant que de s'apercevoir qu'ils le sont. La philosophie qui se place au point de vue de la réalité et s'y maintient est représentée par le système de Hegel. La philosophie de Hegel est la théorie matérialiste de l'idée. En ce qui concerne la réfutation d'un système philosophique, c'est commettre une grossière erreur que de représenter le système qu'on veut réfuter comme étant faux d'un bout à l'autre, et comme s'il s'agissait seulement d'opposer le vrai système au faux. Un système n'est faux que lorsqu'il prétend que son point de vue est définitivement le plus élevé. Le véritable point de vue du système hégélien et la réponse à la question de savoir s'il est vrai ou faux ressortent tout seuls de l'ensemble auquel se rattachent les considérations sur ce système. On aurait tort de voir dans ce point de vue une simple opinion, le produit subjectif d'un mode de représentation ou de pensée d'un individu quelconque, d'une spéculation ayant pris une fausse direction, Hegel se place au point de vue de l'économie politique moderne. Il conçoit le travail, en tant que rapport de la matière à elle-même, comme l'essence et la confirmation de l'essence de l'homme.

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Tout commence avec le travail, cette activité commune à tous les animaux. Le travail constitue le commencement, parce qu'il est aussi bien activité pure que le vivant simple ; mais ce premier commencement ne peut rien être de médiatisé et de davantage précisé. Le travail représente l'indépendance immédiate à l'encontre de la totalité réfléchie et a sa raison d'être non dans un tout mais dans lui-même. La définition véritablement première de l'humanité est par suite qu'elle est le travail pur. Et l'histoire doit être l'histoire du travail.

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Le travail est le besoin qui se supprime. Ainsi que l'ont clairement montré les célèbres travaux de Pavlov, le besoin contient le négatif comme apparence, il se contient lui-même comme besoin déjà supprimé en apparence. Le travail est immédiatement l'unité du négatif avec lui-même. L'équilibre qui s'établit entre le besoin et le besoin supprimé en apparence est avant tout le travail lui-même. Mais celui-ci se contracte également pour former une calme unité. Le besoin et le besoin supprimé en apparence n'y sont qu'en voie d'évanescence, mais le travail comme tel implique leur diversité. L'évanescence ou disparition du besoin et du besoin supprimé en apparence équivaut à la disparition du travail. Le travail est donc immédiatement l'unité de ce qui existe et de l'apparence de ce qui existe. L'apparence est le principe du vivant.

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L'apparence n'est pas quelque chose qui apparaît ou apparence de quelque chose, non plus qu'apparence pour un autre. L'apparence est ce cataclysme qui fait que ce qui existe devient quelque chose. L'apparence est la pure apparence de ce qui existe. L'apparence est rien qui existe. L'apparence est l'abstraction absolue ; cette négativité ne lui est pas extérieure, mais l'apparence est apparence et rien qu'apparence. L'apparence est elle-même immédiatement déterminée. Elle peut avoir tel ou tel contenu ; quel qu'il soit, elle ne le fonde pas elle-même mais le possède immédiatement.

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À Hegel revient le grand mérite d'avoir le premier compris l'importance de l'apparence, de lui avoir accordé en théorie la place qu'elle occupe de toute façon dans la réalité. L'apparence est la pure négativité, la négativité conçue comme apparence. Elle est considérée comme quelque chose de mort lorsqu'on lui admet des facultés et des forces efficientes pour elles-mêmes, qu'elle doit avoir. Elle est alors une chose, faite de multiples déterminations subsistant indifférentes les unes vis-à-vis des autres. L'apparence est la même chose que la réflexion. Mais il ne s'agit ici ni de la réflexion de la conscience, ni de la réflexion plus déterminée de la publicité qui a pour ses déterminations l'individu et le genre, mais de la réflexion tout court. À l'encontre des léninphilosophes qui mettent dans l'apparence toute la richesse du monde puis nient toute l'objectivité de l'apparence, nous avons pour but unique de témoigner de l'importance essentielle de l'apparence dans les choses humaines, importance que de toute façon son propre mouvement la porte à s'octroyer.

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Le travail est le but, la présence de ce qui n'existe pas au sein de ce qui existe, la détermination de ce qui existe par ce qui n'existe pas. La proposition du négatif ou de la téléologie - du but - est fort simple et s'énonce ainsi : ce qui existe est déterminé par l'apparence de ce qui existe. Autrement dit, le négatif réside dans l'apparence. Darwin a parfaitement montré dans son Origine des espèces qu'il n'y a nulle trace de téléologie qui appartienne à l'espèce dans la transformation des espèces animales. Cependant, il montre non moins parfaitement que cette transformation repose nécessairement sur une téléologie, non pas celle de l'espèce, mais celle de l'individu animal, mais celle du besoin. Le besoin, c'est l'animal qui veut vivre. La transformation de l'espèce n'appartient pas à l'individu animal, mais réside dans l'accident génétique. Le rôle de l'animal se borne à vivre ou à mourir. S'il meurt, il n'engendre pas. S'il vit, il engendre. Et la mort est le principe essentiel de la vie de l'espèce. La transformation de l'espèce animale est l'unité négative dans laquelle se résout l'opposition du négatif borné et du positif borné. La négativité de l'animal est incapable de se raffiner elle-même. L'animal n'est pas un individu générique parce qu'il n'entretient avec son genre d'autre relation que négative, telle celle qui lie la taille d'une île et la taille de la plus grande espèce qui peut y exister.

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Si le travail bestial et borné contient le négatif, ce n'est qu'un négatif bestial et borné lui-même dans la mesure où il ne raffine rien, où il ne calcule rien, où il ne différencie rien, où il n'identifie rien. C'est une apparence aveugle, sourde et muette. La négativité du travail animal, du travail indépendant, reste enfermée dans une sphère limitée, ce négatif ne sort pas de lui-même. Seule l'objectivation de l'apparence pourra supprimer l'indépendance limitée du travail pur. Le travail bestial est la variété sans consistance, la variété indifférente, la totalité amorphe de la multiformité, c'est-à-dire totalité seulement pour un autre, variété a-totalitaire. Il tolère toute limite, tout extérieur, tout autre. Il est borné. En tant que commencement, il est un commencement qui tolère que l'on commence avant lui. Il n'est pas fondé.

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Le seul travail que Hegel connaisse et reconnaisse est le travail intellectuel, le travail abstrait. Marx, non satisfait du travail abstrait, en appelle au travail concret, au labeur ; mais il ne conçoit pas la réalité comme activité générique - c'est-à-dire comme relation de l'individu et de son genre - comme activité proprement humaine. Marx veut des travaux concrets, réellement distincts des travaux mentaux : il ne conçoit pas cependant l'activité humaine elle-même comme activité révélant le négatif, comme activité consciente. Il ne considère donc dans la plupart de son ouvre, comme vraiment humain, que le comportement laborieux, tandis que la pratique n'y est conçue et définie que dans sa manifestation animale sordide. En conséquence, il ne saisit pas toute la signification de l'activité " révolutionnaire ", pratico-critique.

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Marx ignore le moment abstrait de l'échange. L'échange est le rapport générique par excellence. Le défaut principal de tout matérialisme connu jusqu'ici - hormis celui de Hegel - est que la réalité concrète n'y est conçue que sous la forme du travail bestial et borné, mais non comme activité proprement humaine, comme rapport du travail à lui-même, non négativement, comme rapport. C'est pourquoi l'aspect proprement humain a été développé abstraitement, en opposition avec le matérialisme, par la pseudo-publicité commerciale, cette publicité d'un monde sans publicité, qui parle de ce qu'elle ne vend pas et vend ce dont elle ne parle pas, et qui, naturellement, ignore l'activité proprement humaine comme telle.

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On peut différencier les hommes des animaux par la conscience, par la religion, par le travail, par ce que l'on veut. Ils commencent eux-mêmes à se différencier des animaux dès qu'ils commencent à échanger leurs moyens de subsistance. En échangeant leurs moyens de subsistance ces hommes produisent indirectement leur genre c'est-à-dire eux-mêmes comme hommes. L'animal se confond entièrement et directement avec son activité vitale. Il est cette activité. L'homme fait de son activité un objet d'échange. L'échange de l'activité humaine à l'intérieur de 1a production aussi bien que l'échange des produits humains entre eux, est l'activité générique et l'esprit générique. Par conséquent, la définition véritablement première de l'humanité est qu'elle est l'échange pur. Et l'histoire doit être l'histoire de l'échange.

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Les hommes sont tels qu'ils manifestent leur humanité. Ce qu'ils sont coïncide donc avec l'échange, aussi bien par ce qu'ils échangent que par la manière dont ils échangent. Ce que sont les hommes, ce qu'est l'humanité dépend donc par conséquent des conditions matérielles de l'échange. L'histoire de l'échange, l'existence objective de l'échange, est le livre ouvert des forces essentielles de l'homme, la psychologie humaine matérialisée. Une psychologie, pour laquelle ce livre, c'est-à-dire précisément la partie la plus matériellement présente, la plus accessible de l'histoire, reste fermée, ne peut devenir une science réelle, vraiment riche de contenu.

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L'humanité n'est pas une substance à laquelle il arriverait des accidents. Non plus qu'une forme qui mettrait en ouvre cette substance. Dans l'humanité, le principe formel est en même temps le principe substantiel. L'échange est ce principe. L'échange est le fondement de l'humanité comme unité de l'identité et de la différence ; la réflexion en-soi qui est tout autant réflexion en autre chose, et inversement. Il est l'essence humaine posée comme relation.

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L'échange n'est pas seulement une relation parmi d'autres possibles. L'échange est la relation, la relation qui existe à proprement parler, c'est-à-dire une relation substantielle, qui n'existe pas seulement pour un autre mais dont les termes possèdent ses déterminations, à commencer par sa détermination de relation. Toute relation est une relation d'échange. Il n'existe de relation que d'échange. La relation n'existe que si elle existe pour elle-même dans ses termes, dans un rapport à elle-même, autrement dit, si ses termes contiennent le négatif comme apparence. Une relation qui n'existe pas pour elle-même, dans un rapport à elle-même, ne possède pas sa détermination de relation. Cette détermination lui est extérieure. Elle n'est une relation que pour un autre.

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L'échange est la relation identique, la relation qui produit le même et l'autre, l'identique et le différent, c'est-à-dire elle-même comme relation, comme unité de l'identique et du différent. L'échange est immédiatement production de l'identité. L'échange est immédiatement production de l'opposition, affirmation de la différence, de l'autre. L'affirmation de la différence dans l'échange est immédiatement différenciation de l'activité et des produits de l'activité. L'échange produit et supprime la différence dans le même mouvement. Identité et différence ne peuvent exister que dans l'échange. L'identité qui ne serait pas aussi opposition ne serait qu'une identité impropre, purement extérieure, identité pour un autre. De même, la différence qui ne serait pas aussi identité ne serait que diversité, différence pour un autre. D'emblée s'affirme dans l'échange la contradiction entre les propriétés immédiates et particulières du travail et sa propriété générale, proprement humaine, sa capacité à s'échanger. Immédiatement différent, il doit se différencier de lui-même afin de s'affirmer comme identique.

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Dans l'échange, la différence est la négativité impliquant sa suppression, le néant énoncé dans le langage ou les termes de l'identité. L'identité et la différence du travail n'existent que dans leur unité, l'échange, et en tant que contraires. Elles n'existent qu'en tant qu'elles sont supprimées, qu'en tant qu'elles passent en leur contraire, dans l'unité de leur relation. L'identité est quelque chose qui diffère et la différence est quelque chose d'identique. L'identité est le moment essentiel de la différence, et la différence est le moment essentiel de l'identité. L'échange contient donc plus qu'une identité simple, abstraite : il contient le pur mouvement de la suppression, du passage en autre chose, le mouvement du négatif, à la faveur duquel l'autre se présente comme une simple apparence, vouée à la disparition.

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Si le besoin de l'un est supprimé par le travail de l'autre et vice versa, sans que nulle violence n'ait à s'exercer, c'est que l'un est capable de produire l'objet du besoin de l'autre et réciproquement. Mais quand ma production est calculée en fonction de ton besoin, qu'elle est raffinée, je ne produis qu'en apparence cet objet ; mais je produis en vérité un autre objet, l'objet de ta production, objet que je pense échanger contre l'objet de ma production, échange que j'ai déjà effectué en pensée. L'échange est le travail qui se supprime comme une pure apparence.

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Dans la pensée allemande, supprimer a un double sens : celui de conserver, de maintenir (aufheben signifie en allemand relever, soulever et supprimer), et celui de faire cesser, de mettre un terme. Conserver, maintenir implique en outre une signification négative, à savoir qu'on enlève à quelque chose, pour le conserver, son immédiateté, son indépendance accessible aux influences extérieures. C'est ainsi que ce qui est supprimé est en même temps ce qui est conservé, mais a seulement perdu son indépendance sans être pour cela anéanti. Lexicologiquement, ces deux déterminations de la suppression peuvent être considérées comme deux significations de ce mot. On pourrait donc trouver surprenant qu'une langue en soit venue à employer un seul et même mot pour désigner deux déterminations opposées. La pensée dialectique ne peut que se réjouir de trouver dans la langue des mots ayant par eux-mêmes une signification dialectique, et la pensée allemande possède plusieurs de ces mots. On ne supprime une chose qu'en faisant en sorte que cette chose forme une unité avec son contraire ; dans cette détermination plus approchée, on peut lui donner le nom de moment. Dans le cas du levier, on appelle moment le poids et la distance à partir d'un certain point, et cela à cause de l'identité de leur action, quelles que soient, par ailleurs, les différences que comportent le poids et la distance. Le sens et l'expression plus précis que le travail et le travail supprimé reçoivent ainsi, en tant que moments, se dégageront, lorsque nous aurons à considérer la publicité comme l'unité dans laquelle ils sont conservés. Le travail n'est le travail et le travail supprimé n'est le travail supprimé que pour autant qu'on n'a en vue que la différence qui les sépare ; mais considérés du point de vue de leur vérité, de leur unité, ils ont disparu comme tels et sont devenus autre chose. Le travail et le travail supprimé sont une seule et même chose ; et c'est parce qu'ils sont une seule et même chose qu'ils ne sont plus travail et travail supprimé et reçoivent une détermination différente. Cette unité reste leur base qu'ils ne quittent plus pour recevoir de nouveau l'abstraite signification de travail et de travail supprimé.

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La suppression est un des concepts les plus importants de l'histoire, une détermination fondamentale qui revient à tout instant, dont il importe de bien savoir le sens, détermination qu'il faut surtout bien distinguer du néant. La chose supprimée est le non-existant, mais en tant qu'apparence ayant pour source et origine ce qui existe. Elle garde encore pour cette raison le caractère défini de cette source. Ainsi, l'échange est le travail supprimé ; mais le travail est ce qui domine l'échange, le sujet réel de l'échange. Cependant le travail acquiert une puissance à laquelle il ne pouvait songer hors de sa suppression.

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Un des principaux préjugés du réformisme consiste à voir dans l'apparence une détermination moins essentielle et immanente que l'existence. Alors que s'il pouvait être question de hiérarchie et s'il fallait persister à maintenir ces deux déterminations isolées l'une de l'autre, c'est plutôt l'apparence qui serait la détermination la plus profonde et la plus essentielle. C'est que l'existence est comparativement à l'apparence, détermination du simple immédiat ; mais l'apparence est la racine de tout mouvement historique et de toute manifestation humaine ; c'est seulement dans la mesure où elle renferme l'apparence qu'une chose est capable de mouvement, d'activité historique, de manifester des tendances historiques. L'apparence est également ce qu'on écarte en premier lieu des choses, de la réalité et du vrai en général. On confond notamment l'apparence et l'erreur et l'on dit d'une chose fausse qu'elle est une apparence. En deuxième lieu, au contraire, on la refoule dans la conscience, en disant que c'est celle-ci qui se laisse abuser et qui pose l'apparence. Qu'il s'agisse de la réalité ou de la conscience, l'apparence est considérée comme un simple accident, pour ne pas dire comme une anomalie ou un paroxysme morbide passager. Une détermination absolue de l'humanité doit se retrouver dans toute expérience, dans tout ce qui est réellement humain. Ce qui ressort d'une façon générale de ce que nous venons de dire concernant la nature de l'apparence, c'est qu'en disant d'une chose qu'elle renferme l'apparence, on n'énonce pas sur elle un jugement péjoratif. D'après le réformisme, l'absolu serait parce que le fini est. Mais la vérité est que l'absolu - ce qui est infini, ce qui est libre de tout lien, ce qui ne tolère aucune limite - n'existe que parce que le fini est l'opposition contradictoire en-soi, parce qu'il n'est pas, parce qu'il contient le négatif. D'après la première conception, l'être du fini serait l'être de l'absolu : " Arbeit macht Frei ". Mais d'après la nôtre, c'est le non-être du fini qui est l'être de l'absolu. Le fini contient l'absolu comme négatif, il contient la soif de publicité, la soif de richesse. Si la dialectique matérialiste de Hegel a fait un usage abusif de la triade, c'est simplement que la dialectique étant l'activité de l'apparence, elle est aussi la logique de la triade : ce qui existe, l'apparence de ce qui existe, l'unité de ce qui existe et de l'apparence de ce qui existe.

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L'échange est l'inséparabilité de l'identité et de la différence ; il n'est pas l'unité faisant abstraction de l'identité et de la différence, mais, en tant qu'unité de l'identité et de la différence, il est cette unité définie, ou l'unité dans laquelle l'identité et la différence sont, alors que l'identité et la différence, en tant que séparées l'une de l'autre, ne sont pas. Elles se trouvent donc dans cette unité, mais en voie de disparition, en tant que seulement suspendues. De leur indépendance présumée, elles descendent au rang de moments, encore distincts, mais en même temps supprimés. Envisagé du point de vue de cette distinction chacun d'eux y est en unité avec l'autre. L'échange contient donc l'identité et la différence comme deux unités de ce genre, dont chacune est à son tour l'unité de l'identité et de la différence : l'identité comme unité directe et par rapport à la différence ; et la différence comme unité directe et par rapport à l'identité. L'échange est ainsi doublement déterminé : l'une de ses déterminations est constituée directement par la différence, autrement dit l'échange commence par la différence qui se rapporte à l'identité, ou plus exactement qui passe à l'identité ; l'autre est constituée par l'identité, l'échange commençant par l'identité qui se rapporte à la différence ou, plus exactement, passe à la différence : apparition et disparition. Dans les deux cas, il s'agit de la même chose, c'est-à-dire de l'échange. Il y a d'une part disparition : la différence se transforme en identité par la disparition de la différence ou bien l'identité se transforme en différence par la disparition de l'identité. D'autre part, il y a apparition : la disparition de la différence est l'apparition de l'identité, de ce qu'il y a d'identique et la disparition de l'identité est l'apparition de la différence, de ce qu'il y a de différent. Ces moments ne se suppriment pas réciproquement en agissant extérieurement l'un sur l'autre ; mais chacun se supprime lui-même et contient en lui-même son contraire.