Un Déluge de Mots

par Didier Somvongs

I
(décembre 1999)

Un déluge de mots.
Des canons à lignes, mots et ponctuations : textes.
Quel scribe pour tel livre de pierre imagina ses convictions
sur le néant ?
L’homme fut-il terrestre ? Son écho ne provient-il pas
d’un au-delà des mers ?
Vers le ciel d’un par deçà des astres ?

Un déluge de points !
Un déluge de terre, un déluge de fer,
le passé insensé de la matière.
Les bouleversements dans les débris sidéraux sont autant
de songes engloutis qui plongent vers notre cerveau.
L’endroit même des dunes n’est qu’une ruine
d’anciennes fondations irriguées.
La ruine de l’existence ensevelie
par une effroyable tourmente !

Au midi des grandes flèches que sont les pyramides,
De vastes apparences cachent les archives cyclopéennes
du siècle qui s’écoule,
Les rameaux souterrains des eaux
mathématique & astronomie,
De colossales roches qui s’effondrèrent en milliards de milliards de grains.

II
(mars 2002)

La pierre remplace la révolution. Elle a vidé le cœur humain. Jumelles et solidaires les unes des autres, les âmes se sont effondrées. Elles ont fait rouler les gravats de leurs têtes. Il n’y a plus rien de vivant qu’une absence béante. Dans l’ossuaire des idées qui manquent… il y plane partout le faux, le mâle de la mort, l’Antidate.

Qui en comprendra la spéculation ? Sphère d’une matière subtilement magnétique qui engloutit en son grand réservoir central, par combustion, chaque émanation du Vivant. Ainsi le sol est l’air de la fournaise. Et l’eau, l’air du sol. Et l’air, l’eau de l’eau. En conséquence et hors de cette hypothèse, la présence de l’Homme est devenue inexplicable. Elle se raréfie à mesure qu’Il se répand sur l’horizon. L’Homme entre en combustion et c’est l’Homme qui lui sert d’aliment. De la même manière, les étoiles mangent l’univers infini et les âmes dévorent leurs existences – le seul ordre s’étant formé en celui de leurs naissances.

Comment mon corps plane-t-il ? Divisé, divisé indéfiniment… mon corps pyrogène se transforme de densité en densité, annihilant tandis que je me lave jusqu’à l’os, jusqu’au granit. Ma quintessence est un germe de l’écorce terrestre et la quintessence de ma quintessence un œil de cristal. Chaque regard ne verse-t-il pas intérieurement ses torrents de pierres précieuses ? La condensation des montagnes n’écoule-t-elle jamais son liquide ondulant ? Ainsi, d’une plus haute observation, je regarde le soleil couchant au travers d’un soupirail de laves.

III
(février 2003)

Une barrière de sociétés anonymes : la continuité de l’ébullition des âmes saisies par la mécanique de la mort (pour elles, quelques heures ne sont plus rien) rend souveraine l’absence terrible et définitive. Elles n’ont pas cesser d’aimer car elles se sont vidées d’elles-mêmes. Jamais elles ne s’étaient préparées à un tel malheur, à cette répulsion de leurs propres existences. Abstraite est devenue leur chair, imaginaire dont elles purent, sans nulle difficulté, l’anéantir hors pensées. Rendues complices de leur poison, blessées par la distance aux vibrations distinctes du silence, elles ne sont plus que des choses froides, métalliques et anonymes. Leur chagrin respire le désordre. Leur malheur les marque au fer de l’esclavage.