Un Buis dans une Noixpar Didier Somvongs IMon digne chroniqueur à claque, Pierre, fer au poing, descendait
chaque paysage. L'âge poursuivait Pierre, cent fois visité
sous toutes ses faces. Ses pas s'engrenaient aux heures. Ses pas s'enfonçaient dans la nuit où tout commençait
à se faire imperceptible. Quel spectacle mélancolique
! ! ! quand la montagne se retire de seconde en seconde, derrière
vos yeux, tandis que vont disparaître les feuilles mortes dans
la vallée silencieuse et monotone ! Un quart heure plus distinct tomba. À perte de vue, avec ses longues pattes noires, l'ombre d’une
araignée gigantesque et tout autour des bois mugissants. Tandis que Pierre, contemplant ces choses, s’égarait,
un astre l'apercevant lui cria : « Hé ! Celui qui pardonne
ne fait pas contrebande de la lumière ! » Tout en écoutant le tumulte des flots, Pierre, lointain, rêva très longtemps aux furieuses luttes qui agitaient les êtres féroces jusque dans le murmure des rochers avant que les crocs d’un grillon courant comme les étincelles de ses pensées ne l'endormissent profondément. IIPierre dormait au milieu du silence. Il rêvait des histoires qui ne signifiaient rien. Se souvenir. Se souvenir de la peur et de l'épouvante face aux fantômes comme autant de vents furieux et lugubres. Le silence retentit pour la troisième fois. La muraille psalmodiait avec les repos d’une vipère qui veut vous mordre et, ainsi, la mort ne sera-t-elle pas sur vous comme la foudre ? Cette vipère conspirait l’abîme où s’enfoncent tous les aveux, où des yeux jaillissent comme surgiraient une guirlande d’oiseaux ténébreux. La voix de la mort y exhalait sa terreur et semblait s'échapper d’un gouffre mais, survint l'orage ! L'herbe des champs roulait à perte de vue dans les flots bleus, là-haut, à quinze cents pieds, où tourbillonnait l’air. Puis, le premier éclair. De larges gouttes tombèrent sur la sueur du chroniqueur qui n’était plus qu’une ombre ratatinée, qu’un œuf concassé, qu’un squelette aveugle prisonnier de sa rêverie éternelle. « Mourir ce n’est pas plaisanter, songeait-il, ce n’est pas grave non plus. Rire me garde de tout savoir, rire me garde de la ruine, depuis mille ans ! Un nouvel éclair reviendra après la nuit, après le jour, la nuit, le jour, la nuit ... ainsi de suite. Et le soleil est l'âme du ciel qui brille entrelacée dans le granit. » On entendait alors le galop de la pluie et les éclairs succédaient au tonnerre. Une jeune fille de quinze ans au plus, coiffée d'un parapluie, surgit, ruisselant de sable. Cette jeune fille plus flottante qu’une idée, s’endormit alors, son inexprimable regard en extase emporté par le vent vers la plaine, là-bas, à l’endroit de la grande tour encore debout. Après un dernier coup de foudre, ses larmes, d'instants en instants plus impétueuses, s'étaient mises à tomber dans un clapotement immense, qui débordait du ravin. Pierre ne disait mot et se sentait heureux car, au moment de son réveil, il avait vu la jeune fille. En riant, il cherchait, les mains sous l’eau, la mélancolie
qui commençait à poindre. Mille parfums frissonnaient
d'amour à lui épanouir le cœur. à Marrak’ch du 3 mars au 30 avril 2005 |