Failles
La douceur d’une heure matinale. Usée de mots mécaniques au-delà des ongles. Sans bruit de colère. La nécessité d’autrefois n’est plus, mais les phrases au rythme des appareils parlent aujourd’hui de ce monde, moitié vivant et moitié machine. Déclics de métal. Saccades de pauses en éclats des femmes crapauds renouvelables. Vous voici comme les autres, lourdes à l’obéissance. Mais vous ne saviez pas l’irrésistible. Vous n’aviez pas compris que l’instruction est faite pour vous apprendre à obéir. Toujours la machine est soumise à un maître. Toujours la machine est le maître de quelqu’un. Homme-machine. Femme-machine. Comment se réparer ? Dans
l’aquarium le sourire du silence. Satisfaction agréable
à sentir. Plaisir permis de l’existence. L’heure
qui passe ne sert qu’une fois. Rapport avec l’autre par
la puissance des yeux. Sentir son thorax se détachant de la bouche
et, entre les doigts, combien d’argent ? Il n’y a pas de
riche qui vaille. Se garder des propos et des conférences. Rire
très vite du vent trop sérieux. Savoir seulement que la
vue est bonne. Hurler plutôt que chanter un petit air vexé. Froisser le journal de la semaine. Froisser les plis du cœur fou. Étouffer les millions des banquiers. La fuite des créances trouve froids les amis. Les pingouins d’affaires ont ri de leurs mensonges, sentant la marche du monde à leur image. Dans les glaces, s’endormir et près du lit essayer son corps. Être formé de raison. Être qui n’en sait pas davantage. Faut-il craindre ce que l’on veut ? Même un petit peu ? Paraître. Montrer. Le dédain chaque soir de n’être jamais compris. La nuit, chez soi, se refuser certains plaisirs. Travailler le jour pour chaque soir, dans les bars, boire et danser. Regarder cette récompense, la chercher dans les poches. Comme le luxe des habits de maître d’hôtel. Conversations de lavabos qui boivent le champagne. Aimer tout dans un cendrier. Être libre de presque rien, des moments de nausées. Boule légère d’un visage de papier. Partie fine de vestons et de robes. Barman ivre pendu aux étiquettes, tendant bien droite sa cravate. L’eau de Vichy détourne les têtes d’un air discret. On dépose les quincailliers sur les divans. L’étoffe des plantes, trop timide, est une chose invisible qu’on doit quitter. Où vas-tu maintenant ? Oh ! Comme d’habitude. Plus tard, la commande immobile d’un bras de glace tremble un peu. Ne pas songer à employer la violence. Demander. Réfléchir. Se refuser ou toujours donner ? Dire non ? Ne pas s’y laisser prendre. Respirer très fort, à toute vitesse. Les mâchoires qui se lèvent tôt y trouvent leur plaisir. Pourquoi ? Il aura toujours raison, l’amour de ce corps qui, au dernier moment se dérobe. Dire l’indifférence qui n’accuse pas. Pour l’amour du ciel ! Suis-je maître de mes mots lorsque je me tais ? Qu’on en parle plus ! Pencher son visage pour y lire les pensées. Ne pas penser. Pardonner la colère des autres car ils sont loin du cœur. Cela va passer. Le ciel est déjà dans la rue, debout. Un bravo remet en route de la main, on n’aurait su dire pourquoi. Bientôt l’engourdissement d’une autre dentelle. Du domaine du corps. Détester ou accepter. Chercher ailleurs du droit de disposer de la machine. N’être même pas capable d’une autre réponse que le désir. A l’inverse, mépriser la joie d’un ancien démon au lieu même de ses idées. Sans doute la tresse des amants est un secret dont seules les maîtresses avouent le prix du monde. Les toujours s’arrêtent. S’endormant, “ les choses ” recherchent l’amour dans le vin. Lassitude ou souvenir des yeux fermés. Il est bon de donner son oreiller aux poussins. Manger du chocolat chinois ? Ce n’est pas très sérieux, tout ça ! Des rubans de mur et de publicités criardes annoncent des cours jusqu’à de si grandes hauteurs ! Mettre en marche. Apprendre le direct. Apprendre des autres leur matière réelle. Ce qu’ils préparent sur les chemins de rencontre. Et comment se forment les gestes qui les font grandir. Attendre la circulaire correspondance du matin, bourrée de rendez-vous. Sous les bras, les coups de plume que l’on reconnaît à leurs périodes d’agitation. Bon ! Tout d’un coup, dans la boîte, les mots fournissent malgré tout leur inquiétude. En haut, à gauche. S’avouer à la dernière heure. Se rendre à la maison du travail. Des esclaves. Des registres. Jusqu’au groom que chacun espère comme un leurre. S’introduit l’opinion de tout savoir. Difficile ! Difficile de commander des événements sans lustre. Être partagé entre tous. Entrevues de pardessus. Tout semble faux même les cols. L’écran barré d’une buée trouble. Aveugles d’être là. Éclats de voix nécessaires du monde. Difficile d’être moins sordide. En espèces sonores, la peur se fixe dans les poches. Geste de la pince qui joue avec un crayon. Disant ses discours avec beaucoup de mots grossiers. Ces
paroles-là réalisées ce matin reprendront
demain ce que les pelleteuses ont construit. Les Sciences demandent
des armes devant le Paradis. Avancer. Ne jamais perdre. Prendre tout
son bien. Enfin, ne perdre plus. Être droit. Assuré de
son ambition. La sagesse d’avoir un travail et ainsi grandir peu
à peu. Se faire à la puissance. Désirer faire de
son mieux. De toute sa force et croire sans doute. Qui sait, mourir
auparavant. Ou bien réussir de tout attendre. Redouter l’enthousiasme
et la sévérité des besognes ingrates. L’ennui.
Renoncer enfin à penser. Tout ce qui les concerne, connaître
les villes. La richesse qui plaît aux toilettes. Place à
la défiance. Un
cri tombe du poing sur la table. La jeunesse à l’excès
fait des nœuds à la pluie, avec conviction. Miaule la porte.
Détonation de souffrance. Se reprocher, regretter d’avoir
ouvert les tenailles de la sagesse. Comme si elle avait été
retrouvée ! Justement la remplacer dans l’espoir d’apprendre
quelque chose sur elle. Il est inutile de briser le bois des portes
pour savoir ou deviner. Percer sans oser dire comme un voleur déguisé.
Soupçonner ce texte reçu de la solitude. Se laisser attendrir.
Ou divorcer avec les U.S.A. Hypothèse au point du rien. Se plaindre
de trop téléphoner dans la confusion. Désastreux
travers des doutes dans les données par lesquelles s’exécutent
les présences. Éconduire les hautains. Ne plus pouvoir
rien trouver estimable. Un dernier appel. Une exclamation. Ha ! Salopard
! Nous sommes faits ! Joie admise à deux voix. Oser le week-end.
Raccrocher l’enveloppe qui communique par erreur la personne.
Attendre d’être certain, persuadé. Dérober
le numéro pour se joindre. Incontestablement dimanche vaut un
camarade. Leçon de nuit embusquée. Les idées viennent.
Reprendre les notes. Éclaircir les branchages du sommeil. Avant
l’explosion. Avant les rafales de voix que l’on savoure
dans l’intime démon de la mémoire. Jésus
disciple militaire de Dieu. Descartes qui ne sait rien. Socrate qui
voudrait savoir et me connaître mais que l’amour exclut
dans une bourrasque. Existence
insipide à la gloire des touristes. Machinerie pervertie, désolante.
Seul de soi, sans secours pour traverser d’un pas le réel
ni planche pour franchir les gouffres. Le souvenir des jours épouvante.
La saison des tourments passe à rebours et ne lâche pas
la soustraction sur ses chemins de poussière. Souffrir un vent
de cendre qui se dépose sur les épaules. Soulever les
paupières devant quelle désolation ? Se résoudre
à mourir : hypothétique condition pour ne pas rester vulgaire.
Être né pour ruser avec les illusions souterraines, molles,
la bouche emplie de charogne. A bout de force. Dormir noyé dans
l’océan des sanglots, forcé à boire. Peut-être
rester calme. S’asseoir doucement et regarder l’herbe. Pourtant
la force des semaines des jours sans retour… Pourtant les mots
ont l’air morts… Chercher au fond du fond le courage de
piétiner les souvenirs. De renverser son corps au bord de la
Seine. Lâcher la bride aux tourbillons de poussière qui
chaque jour jaillissent de la vie. Va-t-en ! Va-t-en ! Une telle abondance
de vide qui éclate. Le mur est cette raison-là des mots
que l’on a tu. Va retrouver ce toujours inachevé ! Change
de vêtements comme pour écorcher ta chair ! Puisque tu
étais absent j’ai cru bon de prendre ta place ! Chasse
l’esprit tout entier ! Les mots automates rebondissent contre
les cloisons. Écouter muet la monstrueuse déclaration
du secret qui expliquerait tout. Danger d’anges qu’on finira
par apprendre. Le grand jeu. Vraiment ? Faire mieux que se taire car
le temps presse. Les tambours s’animent. Bas les pattes ! Chenapan
anonyme ! D’énormes galets roulent d’un mouvement
contraire aux larmes. Les fenêtres s’ouvrent à ces
instants qui reposent sur le marbre. Les valises ne trompent personne.
Que dire à cette vérité disparue, mise à
la porte ? Qu’elle est aimée ? Que quelqu’un veut
l’épouser ? Derrière les pas de tristesse, ce sentiment
de honte d’avoir détester la lumière. En ce pays
irréel, où rien n’a jamais vraiment existé,
la nuit est mûre et sent la fraîcheur sournoise. Là-bas,
la solitude mortelle arrose des plantes volubiles. Oui ! Là-bas
y poussent les soupirs ! Les gestes au clou ! Et de soulagements en
remords, l’enveloppe du grand vide se durcit. Ce qui n’était
qu’un voile, rejeté au fond de soi, derrière l’arrogance
des certitudes, s’est transformé en carcasse qui étouffe.
Endroit pareil à la défaite. N’être pas. Tant
mieux ! Oui ! Cela suffit ! Voix fatiguée qui jure. Regret de
la vie où il fallait se débattre. Attitude souveraine
d’une présence plus pénible que prometteuse. Inattendue
creuse. Néantérieure. Bien qu’enfermée, qu’on
peine à toucher, à atteindre. Devinant quelque chose d’horrible.
Présence emprisonnée, tout entière dans une souffrance
monotone. Présence à laisser mourir. Anonyme. Machine
sans yeux qui, à la fois, dirait l’avenir imminent et n’en
verrait rien. Sentant l’informe qui allait naître et qui
ne peut le dire. Devinant la route et disparaissant dans un tournant
obscur, par surprise. décembre 2004
|