C'est le bel Âge

par Jacques Deschamps

C'est le bel âge de la sex-machine céleste
Où l'on voit Ubu foutre la grande Ourse.
Dimension 3D garantie - une question d'image :
Avec décoration, soutache et gidouille à ressort.

La foule ce beau tyran passif,
Multipliée par les miroirs,
Attentive,
Devient abstraction.

Des témoins nerveux chantent les corps adultères.

La foule ce beau tyran passif,
Immense, instinctive, rauque,
Irréfutable,
Ordonnée par les pâleurs,
Assidue à mêler ses fureurs,
La foule regarde les colosses,
Leurs tours de force ;
De leurs bouches sortent :
Locomotives, poutrelles d'acier, tuyères ;
Une boucherie industrielle et sa danse de robots
Equarrisseurs.
Leurs faces égueulées résonnent et martèlent :
« Au rebut, au rebut ! »
« Yop. yop. yop ! »
Les voilà jetant pêle-mêle les fleuves, les montagnes,
Des forêts entières.
Applaudissement.
La foule roule de fausses candeurs.

Silence.
Et l'ombre faïence épuise la lumière.
Cois, cent oiseaux déclinent et se meurent.

- Déchiré -
L'instant liftier du vertical vertige
Soudain décussé pleure son éternité lige.
Silence.
Quatre mains ouvrent la bête soleil.

Ubu se rue, discours flamboyant,
Une haie d'honneur dressée
Avec canons, fusées à hélices
- Pour les hussards des pinces d'or -.

Ubu se marre.
La foule tend ses viscères.
Ubu les dévore,
Dévore la foule,
Dévore l'espace,
Et Ubu, seul
A foutre le ciel s'emploie.

2002