Mont de Piété
1913-1919

Mont de Piété, premier recueil d'André Breton, a paru en juin 1919 ; il est une des premières publication de la librairie-maison d'édition Au Sans Pareil que venait de fonder un ancien condisciple de Breton au collège Chaptal, René Hilsum ; ce nom, surprenant pour une maison d'édition, fut l'objet d'un choix collectif de l'éditeur et de ses amis ; il ressemblait intentionnellement à ce qu'aurait pu être l'enseigne d'un magasin de tout autre nature. Mireille Hilsum rapporte dans « René Hilsum, un éditeur des années vingt », que « deux propositions émanèrent, l'une de Breton : "À l'Incroyable", enseigne de nombreux magasins de chaussures, l'autre d'Aragon : "Au Sans Pareil", qui était l'enseigne, particulièrement en province, de magasins de nouveautés ». Distance par rapport au monde de la culture, rappel pour initiés de la « réussite dans l'épicerie » dont parlait Jacques Vaché, témoigne du goût pour la « réclame » qui habitait alors Breton et ses amis, réclame qui devait à leurs yeux entraîner, avec la mort de l'art conçu comme une fin, l'effondrement de tout ce qu'ils refusaient ? [...]

[...] L'achevé d'imprimé est du 10 juin 1919. Le livre, qui compte quarante-deux pages non foliotées, est illustré de deux dessins d'André Derain. La page de titre précise « 1913-1919 » ; c'est entre ces deux dates en effet que furent écrits les quinze poèmes rassemblés dans le livre, dont quatorze avaient fait l'objet d'une publication antérieure dans divers revues. [...]

[...] Que Mont de Piété se veuille un livre traversé par une rupture, Breton le dit explicitement deux ans plus tard dans l'envoi quelque peu pervers — des alexandrins rimés ! — qu'il écrit pour Jacques Rigaut à Pâques 1921 :

Tout à Jacques Rigaut le délice inhumain
De ce premier
refus qu'il est fait pour entendre
Lui dont la main pourtant garde dans votre main
L'aspect inquiétant d'un télégramme tendre.

Marguerite Bonnet