ARTICHAUTS

Dada n'ayant plus que quelques années ou quelques mois ou quelques jours à vivre, cherche un notaire pour lui confier ses dernières volontés.

————

Les mathématiques Dada n'ont pas encore été cultivées. Jusqu'à présent l'étude du nombre a rendu complètement idiot. L'idiotie est le saturnisme du mathématicien.

————

Il y a aussi quelque chose qu'on ne connaît pas encore : C'est le dadaïsme dada.
Mais Dada a des mamelles jusqu'aux orteils.

————

Dada doute de tout. On dit : cela aussi est un principe. Non le doute n'est pas in principio, mais quand cela serait, si Dada croit au doute, cela prouverait justement qu'il n'a pas de principe.

————

Quand Dada verra que les cochons châtrés commencent à avoir la voix du jaguar, il fera comme l'iode, il se sublimera. Et il revivra dans l'air respiré par les cochons châtrés, et dans leur bauge.
Et les cervelas que l'on servira au repas familial seront malgré tout possédés par Dada.

————

Dada, o Dada, quelle figure ? Si triste ? si gaie ? Regarde-toi dans la glace. Non, non, ne te regarde pas.

————

Qu'est-ce que c'est beau ? Qu'est-ce que c'est laid ? Qu'est-ce que c'est grand, fort, faible ? Qu'est-ce que c'est Carpentier, Renan, Foch ? Connais pas. Qu'est-ce que c'est moi ? Connais pas.
Connais pas, connais pas, connais pas.

————

Regarder les astres ou l'intérieur de l'estomac avec une demi-jumelle de théâtre, c'est une occupation artistique. Enfin c'est la seule occupation des hommes. Et ils pleurent, ils pleurent comme si l'oignon entrait dans la composition du verre.

————

Il est intéressant de noter à quels partis appartiennent les sourires d'alliance offerts à Dada. Politique et mariage. Dada a une grosse dot à manger. Mais Dada est difficile à déflorer : la vierge est étroite.

 


Ô

Il posa son chapeau sur le sol, et le remplit de terre
Et y sema du doigt une larme.
Un grand géranium poussa, si grand.
Dans le feuillage murirent un nombre indéfini de potirons.
Il ouvrit sa bouche aux dents couronnées d'or, et dit :
I grec !
Il secoua les branches du saule de Babylone qui rafraîchissait l'air
Et sa femme enceinte, à travers la peau de son ventre
Montrait à l'enfant le croissant d'une lune mort-née
Lui, mit sur sa tête le chapeau importé d'Allemagne.
La femme avorta de Mozart,
Tandis que passait dans une automobile blindée
Un harpiste,
Et qu'au milieu du ciel, des colombes,
De tendres colombes mexicaines, mangeaient des cantharides.

 

par Georges Ribemont-Dessaignes