Vrai faux Procès

 

Ière Partie : Le Juge responsable des Débats
IIème Partie : Le Responsable des Poursuites
IIIème partie :
a) Plaidoirie de la Défense

b) L'Avocat de la Défense
IVème - Plaidoirie de la Partie civile

*

Ière Partie
LE JUGE RESPONSABLE DES DÉBATS

(il avance sévère mais généreux)

Frères humains, camarades citoyens, approchez !
Selon une formule désormais célèbre : « n’ayez pas peur ! »
La peur est mauvaise conseillère, un poison qui conduit à la xénophobie, à l’intolérance et à la guerre.
Rien ici ne devrait être craint puisque vous entrez dans le temple le plus sacré de la seule religion accessible à tous : la Justice.
Mais, attention ! La vraie Justice ! Pas celle que l’on rend dans des palais, sous les ors et l’hermine ; quelqu’un a dit à peu près (je cite de mémoire) : « il sera plus facile à un riche d’être acquitté qu’à un pauvre de passer entre les mailles de la justice de classe ».
Un autre a dit (et là, je suis sûr du texte) : « comme ils n’ont pas pu fortifier la justice, ils se sont contentés de justifier la force ».
Non ! La vraie Justice ! Celle d’un peuple usant de son esprit critique et de son bon sens pour chercher la vérité à l’ombre d’une balance équitable où nul n’est juge et partie, sans pression des passions médiatiques entretenues ; celle où les culpabilités sont partagées entre acteurs et responsables de l’acte et où les jugements condamnent le criminel et les causes du crime en corrigeant le premier par la disparition des secondes ; celle enfin où l’argent et la puissance ne sont pas les meilleurs avocats et où le pied de l’homme politique n’a jamais mis la main.
Car, en effet, la question de la justice est LA question première en politique, si même elle n’est pas LA politique à elle toute seule.
Un idéal la qualifie depuis toujours d’impartiale, c’est-à-dire sans partis (ni pris ni à prendre).
Une jolie formule a établi que, dans nos curieux pays « les meilleurs partis font les plus beaux revenus » ; cette phrase, à priori contradictoire, devrait sans doute être méditée pour ouvrir la porte de notre avenir humain sur les gonds de la justice qui ne doivent ni grincer ni se bloquer ! Pour s’en prémunir, les jurés devront se savoir et se vouloir intéressés, curieux, tenaces, rigoureux, responsables et consciencieux.
La victime doit être indemnisée mais d’abord comprise ; la société, elle, ne doit pas être vengée mais soignée car « s’il y a un coupable, nous sommes tous condamnés ! »
Aujourd’hui, pour le bien de tous, tous doivent chercher le bien, cette vérité plus rare que la truffe, plus précieuse que l’eau et plus indispensable que la liberté car celle-ci garantit celle-là.
En conscience, même pour un début, à vous de juger !


Dans l’affaire ‘’Humanité contre Organismes Génétiquement Modifiés’’, j’appelle :
les multinationales de l’industrie agroalimentaire (Biogéma, Pionner, Monsanto, Novartis) sous leurs anciens et nouveaux noms, et leurs complices ou co-auteurs (actionnaires, conseils d’administrations, banques, bourses, finances mondiales, …) ;
les responsables politiques, élus ou désignés :
au niveau européen,
au niveau national,
au niveau local, et leurs complices ou co-auteurs (secrétaires, fonctionnaires, amis, familles, …) ;
les gouvernements américains des États Unis et du Canada, des États Unis d’Europe, de France et leurs complices ou co-auteurs (ministres, secrétaires, fonctionnaires – directeurs, préfets, policiers, militaires – …) ;
les chercheurs ayant travaillé dans le secret ou ayant négligé le devoir de transparence dans le domaine alimentaire et leurs complices ou co-auteurs (laboratoires publics ou privés, syndicats, secrétaires, collaborateurs, …) ;
les agriculteurs ayant loué ou prêté leurs terres pour des essais ou ayant participé directement ou indirectement à des essais OGM et leurs complices ou co-auteurs (salariés informés, syndicats, conjoint, familles, amis, …) ;
les mass-médias (moyens de communication de masse) pour leur servilité, leur silence et leur corruption passive et leurs complices ou co-auteurs (propriétaires, rédacteurs, salariés informés, syndicats, …) ;
les citoyens pour leur inertie et leur paresse ;
le système de délégation aveugle des responsabilités qui a permis et encouragé cette démarche occulte, rampante et anti-démocratique.

Les faits reprochés sont les suivants :
atteinte grave et irréversible à l’environnement,
tentative d’empoisonnement,
abus de position dominante,
détournement de fonds publics,
abus de biens sociaux,
tentatives d’escroqueries (au pluriel),
corruption,
concussion,
mensonge et manquement à la parole donnée,
usage abusif de la force publique,
opposition militaire à un peuple en paix.

Chacun des prévenus s’est reconnu dans l’un ou plusieurs de ces chefs d’accusation dont la justice populaire punit les auteurs des peines d’indignité, de bannissement, voire d’emprisonnement ferme pour les peines les plus graves.

Je donne la parole au responsable des poursuites engagées.

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IIème Partie
LE RESPONSABLE DES POURSUITES

(déguisé en clown ?)

Comme vous le savez, procureur est un titre qui n’est pas en usage dans la justice du peuple qui ne connaît que des responsables, des coupables et des gens honnêtes qui se trompent ou qui ont été trompés.
Ma responsabilité à l’égard de la justice m’ordonnait de diligenter les poursuites actuelles et de m’auto saisir sans attendre des parties que l’une ou l’autre ait déposé plainte ; en vertu particulièrement du principe de précaution qui exige que les responsables d’un projet concernant l’humanité ou son environnement, démontre son innocuité avant d‘étendre les recherches, principalement en milieu ouvert.
J’avoue, car il faut bien que quelqu’un le fasse ici, que mon attention sur ce grave et irréversible problème a tout d’abord été attirée par une attitude éminemment suspecte : les sociétés d’assurances refusaient d’encaisser les primes pour couvrir les éventuels dégâts causés par les essais OGM !
Cette situation extraordinaire provoqua chez moi un tel doute, que je menai une pré enquête discrète.
Devant l’avalanche des : « Chut ! , Top Secret !, No Comment !, Vous êtes bien indiscret ! » et autres « Il y a des questions qu’on ne pose pas ! », déclenchée par mes interrogations sommaires, je décidai d’en avoir le cœur net et ordonnai une expertise, officielle cette fois.
Après 6 mois et une bonne dizaine de relances, je reçus les résultats de l’expertise où, à ma grande stupeur, le texte de la facture était plus long que celui des résultats collectés par les experts ; je ne résiste pas au plaisir de vous en faire la lecture :

« Rapport de Messieurs les Éminents Experts à Monsieur le Responsable des Poursuites au Ministère de la Justice, après enquête approfondie :
‘’TVTB ; RAS ; Danger ! Mines ! Pas de temps à perdre mais beaucoup d’argent à gagner. STOP’’
»

Un peu plus qu’intrigué, je devins inquiet et, c’est déguisé en commissaire européen, que je dus mener ma propre enquête dont voici le résumé :

(les « réponses » se font de derrière la scène)

auprès des labos de recherche publics : « Défense de savoir ; propriété privée ».
auprès des labos de recherche privés : « Défense de voir ; interdit au public (sauf aux fonds) ».
dans les entreprises agroalimentaires : « Défense de nous priver de fonds publics ».
auprès des gouvernements d’Amérique du Nord : « Silence ! on tourne la manivelle de la machine à billets ».
auprès des gouvernements Européens : « On a assez payé pour ne rien savoir ! »
auprès du gouvernement Français : « Seul le fond est public, le dessus est privé ».
auprès des exploitants agricoles : « C’est pas moi, c’est le Crédit à Bricoles qui m’a menacé : ’’Si tu ne défends pas les intérêts des fonds privés, tu seras privé de fonds publics sans intérêts’’ ».
auprès des mass-médias : « Si on dit tout sur tout, on n’a rien de rien ; alors que si on dit rien sur tout, on n’a pas rien, on a tout ! »
auprès des citoyens : « Si on nous dit tout, on s’inquiète de tout, alors que si on nous dit rien, on ne demande rien… et on l’a en entier ! »
auprès du système : « Le secret est le meilleur allié des voyous ; nous faisons voter une loi qui rend les voyous légaux et le secret devient ainsi respectable ! C’est aussi simple que ça ! »

J’ai compris que je ne comprenais plus rien et je me suis rappelé ce que l’on m’avait appris tout jeune, puis à l’école de la magistrature : « tous les citoyens naissent libres et égaux en droit ; la liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui ; la force publique est instituée pour l’avantage de tous ; les citoyens ont le droit de demander des comptes sur son administration à tout agent public ; la garantie des droits est assurée et la séparation des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif est déterminée ; les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes la nécessité de l’impôt et d’en suivre l’emploi » et j’ai donc résolu d’en appeler au peuple et à sa sagesse pour vérifier que les informations dont je disposais ou que l’on m’avait chichement communiquées étaient suffisantes pour permettre la poursuite secrète des essais des chimères génétiques (car là est leur véritable appellation scientifique) par des sociétés privées.

Sachant que :
99% des recherches et des fonds utilisés portent sur le maïs résistant aux herbicides et destiné à la nourriture du bétail alors que 1% porte sur d’autres cultures éventuellement utiles à l’humanité ;
toutes les enquêtes sur les OGM déjà commercialisés, en Amérique du Nord ou du Sud, montrent que l’usage des pesticides chimiques (vendus par les firmes productrices d’OGM) est en progression constante ;
aucune augmentation des rendements n’a été démontrée ;
aucune enquête sérieuse n’a été menée pour prouver l’innocuité de l’introduction des OGM dans la chaîne alimentaire (exactement comme dans le cas de l’ESB ou maladie de la vache folle) ;
le brevetage du vivant, au travers des semences vivrières, n’est pas abordé alors qu’il concerne directement la survie de notre espèce ;
lorsque les choix agricoles sont dictés par des semenciers aux paysans, il s’agit d’une inversion perverse et dangereuse de la logique alimentaire ;
l’instabilité de l’ADN sur lequel portent les modifications génétiques est avérée scientifiquement ainsi que les mutations reconnues possibles ;
la pollution des cultures environnantes par pollinisation et par le sol a été prouvée ainsi que des mutations constatées chez des plantes concurrentes ;
la commercialisation généralisée des OGM correspondrait à une privatisation de fait de l’ensemble de l’agriculture du monde ;
aucune société d’assurance n’a accepté de couvrir ces recherches hasardeuses ;
aucun étiquetage n’est prévu pour informer les consommateurs que les viandes, volailles ou poissons qu’ils absorbent sont issus d’animaux nourris avec des OGM ;

Frères humains, camarades citoyens, à vous de juger !

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IIIème Partie
A) PLAIDOIRIE DE LA DÉFENSE

(un homme d’affaire en smoking)

(en apparence, désespéré)

O rage ! ô désespoir ! ô richesse ennemie !
N’ai-je donc tant semé que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi de tant de tribunaux
Que pour voir en un jour fleurir tous mes défauts ?
Mes comptes en Suiss’ que toute l’Europe admire,
Tous ces politiciens, vassaux de mon empire,
Tant de fois affermis sur leur trône, par Moi,
Me trahissent et me laissent seul face à la loi ?
O doux souvenir de ma puissance passée,
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Avoir côtoyé ministres et présidents,
Décideurs affables et financiers prudents,
Pour choir ainsi devant votre justice nue
Et m’y retrouver tout seul quoi que prévenu !
Si nos multinationales possédaient tout,
Ell’s ne pourraient craindre du peuple le courroux !
Ell’s pourraient très fièrement arpenter leur monde
Évitant d’un écart discret toutes les tombes ;

(il énumère de manière presque technique)

Celles des enfants morts de faim sous le soleil,
Privés par un mien confrèr’ du lait maternel ;
Celles des morts de Bhopal ou de Tchernobyl,
Victimes muett’s de nos industries fertiles ;
Celles encore, y croyant ou n’y croyant pas,
De ceux qui, sans comprendre, mouraient du SIDA ;
Celles aussi des pauvr’s de toutes les croyances
Attribuant aux dieux des autres leur malchance !
Celles enfin de ceux qui n’ont jamais trahi,
Les révoltés, les insurgés, les insoumis ;
Cell’s surtout des anonymes, morts sans savoir
Qu’ils devenaient le meilleur engrais du pouvoir.

(retrouvant de l’assurance)

Tous vos attendus et motifs sont bien plaisants,
Mais, pour gens de nos qualités, insuffisants !
Vous pouviez dire encor bien des choses en somme,
Si vous eussiez regardé au delà des hommes !
Le spectacle vaut son pesant de cacahuètes,
Bien plus que ce que pèsent vos petites têtes ;
Observez-nous bien et vous apprendrez alors
A remplir une vie en négligeant les morts..

(content de lui)

Oyez donc, pékins, de l’argent le mécanisme :
Un peu d’adress’, beaucoup d’ambition, du cynisme,
De l’aplomb, de l’assurance et quelques complices,
Font de l’économie la mèr’ de tous les vices.

(il déclame, heureux)

Économie, 1èr’ leçon :
Séparez d’un coté la foule,
De l’autre un héritier marron ;
Vous verrez vers qui l’argent roule !
N’allez pas croire qu’il se foule
La main ou le pied, ah, mais non !
Il le couve ainsi que la poule,
Sans même sortir du nid, pond.
Économie, 2èm’ leçon,
Qui, de la première découle :
La propriété en question
Forme les citoyens au moule.
Et voilà l’huissier qui déboule
Pour faire respecter le patron,
Le modèl’ d’un monde qui coule
Entraînant les pauvres au fond !
Économie, 3èm’ leçon :
Malgré le temps, malgré la houle,
Voici que vient la succession,
Son grand tapis qui se déroule
Devant notre héritier marron
Qui rit derrière sa cagoule ;
Ses petits auront des millions
Et les autr’s auront des ampoules !
Nous sommes les princ’s, vous les pions.
Nous possédons la grande boule,
La terre, l’eau, tout est siphon,
Quand, sur vous, la misère croule.
Alors, voilà ! Il fallait bien que je vous quitte,
Et qu’étant tout blanc, votre tribunal m’acquitte !
Ne bougez pas, restez assis, j’ai l’habitude
Car, pour les riches aussi, la misère est rude !
Je vous épargne la peine de réflexion,
Vous m’épargnerez donc vos récriminations
Car, là bas, en Palestine, est en construction
Un mur bien assez long pour vos lamentations.
Salut à vous ! On se reverra tout à l’heure,
Je repasserai pour relever les compteurs.

 

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B) L’AVOCAT DE LA DÉFENSE
(se précipitant sur scène en bousculant son client pour le faire sortir)

(l’air un peu inquiet)

Holà ! Monseigneur, écartez-vous donc d’ici,
Et voulez bien laisser place aux professionnels ;
Ne montrez pas au gens le visag’ que voici,
Ni tenez au public des propos officiels !
(jovial)Bonjour à tous, c’est l’avocat de la défense !
(professoral)Je vais vous expliquer et vous allez comprendre ;
Avec moi, on hésite pas à la dépense,
Parce que, plutôt qu’être pris, il vaut mieux prendre.

Le responsable des poursuites vous a menti puisqu’il vous a répété ce qu’on ne lui a pas dit !
Ce que mon client connaît le mieux des tombes, c’est le silence et, puisque nous sommes entre gens hyper civilisés, respectons le secret et nos essais serons bien gardés.
On s’est plaint de l’armée ; sachez qu’il y a deux armées : celle qui défend nos propriétés et celle qui veut nous défendre de breveter le monde ; reconnaissez avec moi que la seconde est beaucoup plus nombreuse que la première, ce qui prouve que nous sommes bien les agressés.
Vous voyez sans cesse les entre-preneurs (en un seul mot, s’il vous plaît, pour les mauvaises langues alternatives) lutter pour la recherche…
(dans le public :) « Des profits ! »
(énervé) pour le progrès… (dans le public :) « De vos intérêts ! »
(très énervé) contre la faim… (dans le public :) « Mais pas contre les moyens ! »
(criant presque) défendant la liberté… (dans le public :) « De tricher ! »
(hurlant) cherchant sans fin la vérité !
(péremptoire) Nous fournissons toutes les informations depuis le début…
(marque un temps, puis, rapidement) à tous nos amis politiques pour qu’ils puissent adapter sans cesse la réglementation aux résultats de nos surprenantes découvertes.
Car, disons-le tout net, nous ne savons pas comment fonctionnent les gènes ou la mystérieuse hélice ADN, pas plus que nous ne savons ce que peuvent bien transporter le vent ou les abeilles ; ce n’est pas pour rien que notre invention est appelée ‘’chimère génétique’’.
Mais nous connaissons bien notre métier : posséder, conquérir, développer, amasser.
D’ailleurs, imaginez ce scénario catastrophe :
¤ l’empreinte génétique des semences est confiée à n’importe qui (comme l’inventeur de la pénicilline, l’odieux Flemming, qui refusa de breveter sa découverte pour empêcher les marchands de s’en emparer) : que se passerait-il ? Des gens sans foi ni loi sèmeraient des graines en ignorant les profits possibles, les récolteraient à maturité sans penser à la fortune ratée, en mettraient une partie de coté en oubliant de spéculer et les sèmeraient pour la récolte suivante sans songer à en priver leurs concurrents ! Où irions-nous ? Pourquoi pas des échanges gratuits ??? (il s’étouffe)

En effet, les paysans, s’ils ne sont pas encadrés, surveillés, enrégimentés, sont parfaitement capables de travailler la terre et de nourrir l’humanité dans notre dos sans même nous remplir les poches !
Et où s’arrêteraient de telles dérives ?
Pourquoi pas nous demander d’être de simples coopératives organisant la suffisance alimentaire mondiale, atténuant les aléas climatiques et météorologiques (ou illogiques) ou équilibrant les productions en fonction des populations ?
On finirait sans doute par nous demander de protéger les sols pour l’avenir alors que l’argent, c’est le présent !

Que notre glorieux système aristocratique nous en préserve pour l’éternité !

D’ailleurs, dans 50 ans, nous serons tous morts ; c’est aujourd’hui qu’il faut engraisser, palper, entasser,
(il s’engorge presque) amasser, diriger, spéculer,
(le regard fou, il tourne sur lui même en levant les bas au ciel) additionner, manipuler, rafler, délocaliser, épargner, contrôler, ajouter, externaliser, …
(il se tourne à nouveau vers le public, l’air égaré, marque un temps, puis reprend, confus)
excusez-moi, je m’emporte ; la passion, sans doute ?

Bon, soyons brefs et concluons positivement ; nous vous proposons un plan de financement amiable et aimable pour vous éviter un jugement inutile : le juge et le responsable des poursuites trouveront dans notre dossier un dédommagement tout à fait confortable pour leur peine (non imposable, je précise) et pour les jurés, cher public, vos 3 premières boîtes de maïs OGM seront gratuites si vous acceptez de porter nos tee-shirts ‘’Fraudeurs Volontaires’’.

On ne peut pas être plus généreux ni plus arrangeants, n’est-ce pas ?

N’oubliez pas la jurisprudence qui a reconnu la propriété au premier homme qui a planté quatre piquets aux angles d’un champ en disant : « c’est à moi ! » ; jurisprudence toujours confirmée depuis par tous ceux qui l’ont cru.

(il clame) Les semences sont des marchandises comme les autres ! le vivant est entièrement brevetable ! le public est privatisable ! l’aristocratie est la démocratie !

et la terre est plate !!!!!!!!!!!!!!

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IVème Partie
PLAIDOIRIE DE LA PARTIE CIVILE

(une jeune fille ou un enfant vêtu de blanc)

Mes enfants, écoutez votre mère : la Nature !
Vous êtes des poussières d’étoiles qui ont oublié comment briller.
Insouciants de mes souffrances, vous reconnaîtrez le bonheur au bruit qu’il fera en partant !
Depuis toujours, j’ai accueilli généreusement les minéraux, les végétaux, les animaux, les ai nourris de mon air, de ma sève, de mon eau.
Sortis de mon sein, ils s’y abreuvaient, vivaient et croissaient sous sa protection et, au provisoire trépas, venaient s’y reposer, attendant une nouvelle aurore.
Je les ai aimés comme moi-même, ni comme une esclave ni comme une reine mais comme une mère.

Aujourd’hui, je vois les petits descendants des hommes qui se battent à grand fracas pour une puissance vaine, pour une gloire chimérique, pour une possession éphémère, pour une richesse mensongère !
Ils se battent avec des bombes, avec des cheminées d’usines, avec des avions, des fusées et des fuseaux horaires.
Nés faibles et fragiles, ils rivalisent de violence avec mes plus puissants volcans mais, au lieu de créer, ils détruisent, salissent et endommagent mes flancs…

Je les ai vus souffrir des solitudes hostiles qu’ils ont vaincues en se groupant et en créant des habitats toujours plus solides ;
Je les ai vus réduits en esclavage qui s’en libéraient pour y réduire leurs frères ;
Je les ai vus mourir de faim sous les monarchies glacées, ignorant leurs forces jusqu’à finir par se révolter, écrasant le despotisme sous la dictature ;
J’en ai observé quelques uns qui prônaient l’amitié, l’union, l’amour et l’égalité et je les ai souvent crus vainqueurs ;
Puis, un jour, ayant compris comment on éliminait les tyrans, ils ont pensé à la démocratie ; je me suis dit alors : « Enfin ! la paix perpétuelle ! Chacun d’eux va se sentir et se comprendre responsable ! Ils vont supprimer les méfaits du pouvoir en le distribuant à tous, chacun devenant un homme de devoir et se souciant de son frère pour que son frère se soucie de lui ! Heureux animal ! »
Mais, atterrée, je les ai vus qui recommençaient à choisir parmi eux, pour de longues années, ceux qui seraient leurs maîtres tout comme aux temps de la monarchie.
Les hommes coupaient la tête des rois mais fabriquaient des aristocraties millénaires !
Parmi ‘’l’élite’’, très vite, j’ai vu que ceux-là voudraient rester puissants en cherchant à l’être toujours plus.
Alors vinrent d’effroyables guerres, fauchant des centaines de millions d’êtres aussi stupides qu’innocents.

Après des années de chaos, j’ai vu ces mêmes hommes, travestissant la guerre, ramener les peuples dans un nouvel esclavage : ils mouraient par millions pour extraire des produits du sol et, pour quelques miettes, ils bâtissaient de nouveaux palais pour les tyrans souriants qui s’étaient contentés de changer de noms : les rois étaient devenus présidents, les nobles étaient députés ou chevaliers d’industrie et les gardiens de prisons se faisaient appeler patrons !
Enfin, ces dernières années, non contents de noyer ceux qu’ils maintenaient au sous-sol, ils ont commencé à m’asphyxier, à me souiller, à m’agresser, à me blesser, moi qui les nourrissais.

Je viens vers vous maintenant, sans me plaindre, pour vous mettre en garde : vous êtes dorénavant trop nombreux pour vivre sans me protéger ; il n’y a plus d’enfants si vous tuez la mère !
Si vous voulez y être heureux, prenez soin de votre maison.

Arrêtez-vous ! Réfléchissez à vos besoins, à vos moyens, à vos fins !
Un progrès qui vous fait reculer est-il un progrès ?
Peut-être pouvez-vous progresser ici et reculer ailleurs ?
Seul, le marcheur qui observe continûment son chemin peut s’apercevoir qu’il est dans la mauvaise direction…
Et surtout, reprenez le pouvoir sur vous-mêmes en le reprenant aux imposteurs ; assumez votre destin en acceptant vos responsabilités ; c’est un prix bien faible pour avoir la liberté !
Rappelez-vous que ce qui ne parvient pas à votre conscience vous revient sous forme de destin.
Respectez la vérité et souvenez-vous que si, sans moi, vous ne pouvez rien, avec moi, vous pouvez tant.

(soucieux) Me détruire, c’est vous suicider ;
Me salir, c’est vous humilier ;
(se dressant bien droit) Me chérir, c’est vous élever ;
(souriant tendrement) Me sourire, c’est vous aimer !

Si vous voulez me rendre maintenant justice, demandez d’abord à ceux qui l’ont volée de vous la rendre, et gardez-là comme chacun de vos frères !

(la nature quitte le tribunal par le fond, s’arrête, hésite, se retourne et, gravement :)

Je vous aime encore…

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Grégoire
mai 2005