Transfert

Processus par lequel le client reporte sur son thérapeute un sentiment qu'il éprouve ou qu'il a éprouvé pour une autre personne.

source : Dictionnaire de la réadaptation, tome 1 : termes techniques d'évaluation, Maurice Blouin et Caroline Bergeron, Les Publications du Québec, 1995.


 

Le transfert selon Freud

Contrairement à ce que l'on pense généralement la notion de transfert n'a pas été inventée par Freud mais reprise par lui à des chercheurs qui tentaient d'expliciter ce qui se passait dans l'apprentissage qu'il s'agisse d'une tâche à reproduire ou d'un contenu théorique à intégrer. En définissant cette notion de transfert le physiologiste E.H. Weber (1834) puis R. Kleinpaul (1884) ont mis en évidence l'importance de la notion de représentation dans cet effort d'apprentissage.

Le transfert sera repensé comme névrose particulière à la cure psychanalytique : la névrose de transfert.

Un processus habituel dans les relations humaines
En transposant la notion de transfert dans la cure psychanalytique, Freud cherche d'abord dans les Études sur l'hystérie à comprendre ce qui résiste chez les patients dans la cure analytique, c'est à dire ce qui empêche le patient d'atteindre le but qu'il s'était fixé en venant consulter.

Freud rappelle d'abord que le transfert qu'il décèle dans la cure psychanalytique n'est qu'une exacerbation de phénomènes que l'on rencontre souvent dans la vie courante : « La faculté de concentrer l'énergie libidineuse sur des personnes doit être reconnue à tout homme normal. La tendance au transfert que nous avons rencontré dans les névroses (…) ne constitue qu'une exagération extraordinaire de cette faculté générale.» (Introduction à la psychanalyse). Mais dans le dispositif établi entre le psychanalyste et le patient, cette capacité générale au transfert prend un tour particulier : elle tend à se focaliser sur la personne du psychanalyste. Ceci s'explique notamment par l'attente de guérison qui a motivé la cure. Le patient plaçant ses espoirs dans le psychanalyste se trouve placé comme en position infantile à l'égard de celui-ci. Cette analogie avec la situation première du sujet, quand celui-ci dépendait de l'amour de ses parents pour survivre va déclencher une série d'associations, de résistances tout en constituant un moteur qui va faciliter le dénouement des symptômes.

Transfert et répétition
Le transfert n'est pourtant pas une pure répétition de la situation parentale. Au contraire, la demande de cure est, déjà, une prise de conscience explicite ou implicite, que quelque chose se répète dans la vie du sujet. La demande de cure est donc un premier coup d'arrêt à cette répétition vécue comme subie jusqu'alors. À partir de l'entrée en cure les symptômes, même répétés, sont interrogés et examinés d'une autre façon, ils ne sont plus pures répétitions mais variations d'un même problème, d'une même matrice intervenant dans la vie du sujet. En effet, dans la cure, les symptômes sont parlés, racontés, il sont l'objet d'un effort d'élucidation qui leur donne un autre statut, ils sont représentés, élaborés et perlaborés.

Transfert et amour
Il en est de même de l'amour de transfert. Ce qui motive le patient c'est l'amour de la vérité nous dit Freud. Le transfert n'est qu'un moyen d'y parvenir — et parfois un obstacle. C'est en effet dans le cadre de ce transfert que vont se réveiller chez le névrosé les dimensions non résolues de la situation œdipienne. Mais là encore, il ne saurait s'agir d'une pure répétition car c'est au psychanalyste qu'a affaire le patient. Dans la mesure où le désir de l'analyste reste énigmatique le rapport identificatoire qui avait été d'abord établi peut se dissoudre et le risque de dépendance qu'a pu craindre (et parfois désirer) le sujet peut être dépassé.

Le transfert chez Lacan

Lacan reprend pour beaucoup la conception Freudienne du transfert, en y renforçant quelques points. Lacan oppose le « transfert symbolique » au « transfert imaginaire »:

Pour Lacan, le transfert est d’ordre symbolique, car sa force se trouve dans la fonction où l’analysant pose l’analyste, qu’il l’aime ou le déteste est secondaire.

Le transfert est fondamentalement en lien avec un autre connaissant. Sachant que l’analyste est un « sujet supposé savoir » pour Lacan, il dit que le transfert n’est autre que de « l’amour qui s’adresse à du savoir ».

Pour Lacan, le transfert dit imaginaire est un obstacle, dans le sens où ce n’est qu’immobilisme du sujet. En effet, le sujet agit dans l’analyse pour ne pas avoir à dire, et plus le sujet résiste, et plus la répétition s'oblige à lui.

Jung et le transfert

S'il est bien un point sur lequel Jung n'a jamais contesté l'apport de Freud, c'est sur l'importance capitale du transfert dans le processus analytique. Cependant l'approche que Jung fait du transfert est significativement différente de celle de son aîné sur au moins deux points :

Déjà, pour Jung, le transfert ne se réduit pas à la névrose de transfert décrite par Freud. Il ne s'agit pas, pour Jung, d'un phénomène pathologique qu'il s'agirait de réduire par l'analyse, mais d'un phénomène naturel dans la relation entre deux êtres humains, phénomène qui résulte du déploiement des dynamiques archétypiques entre deux personnes.

Ensuite Jung ne considère pas que le transfert puisse être simplement appréhendé comme étant un mouvement à sens unique, de l'analysant vers l'analyste, mais bien plutôt comme un mouvement à double sens, qui implique tout autant la personnalité de l'analyste que celle de son client. Ainsi la distinction freudienne entre transfert et contre-transfert n'a pas, dans la pensée jungienne, la même place que dans la pensée freudienne. Les jungiens réserveront ce terme à ce qui, de l'analyste, participe aux résistances, c'est-à-dire à la façon dont l'analyste fait inconsciemment obstacle à la poursuite du processus analytique.
Jung a consacré au transfert un ouvrage (1946), Psychologie du transfert, où il fait la synthèse de son approche de ce phénomène intersubjectif.

source : encyclopédie Wikipédia