Télé
DÉFINITION
Le télé
(du grec, lointain, à distance) a été défini
comme une liaison élémentaire qui peut exister aussi bien
entre les individus et des objets et qui développe en l'homme,
de façon progressive à partir de la naissance, le sens
des relations sociales. Le télé
peut être par là considéré comme le fondement
de toutes les relations interpersonnelles saines et l'élément
essentiel de toute méthode efficace de psychothérapie.
Il repose sur le sentiment et la connaissance réelle des autres
personnes. Parfois il peut se développer à partir d'une
ancienne relation de transfert.
Mais nos données montrent, sans ambiguïté, que le
télé existe toujours et
normalement dès la première rencontre et qu'il grandit
d'une rencontre à une autre.
Il peut parfois être
déformé par des phantasmes de transfert.
Mais habituellement, toute relation humaine dépend de l'existence
et de l'efficacité du télé.
LA
COHÉSION DE GROUPE
La cohésion
du groupe a été définie comme une fonction de la
structure du télé. Par une
analyse des choix émis et reçus et des choix se portant
sur des membres du groupe ou sur des personnes extérieures, on
peut déterminer la force de cohésion du groupe. Une autre
méthode pour la mettre en lumière est fondée sur
l'analyse des configurations sociométriques. Au lieu de s'intéresser
aux éléments isolés, comme les choix, elle tient
compte des structures existant entre les individus et du degré
de cohésion qu'elles engendrent. Lorsque de nombreux choix restent
sans réciprocité à l'intérieur du groupe,
le degré de cohésion est bas. Dans une telle configuration,
il se produit, malgré un excédent de choix, une perte
en télé.
Des recherches sociométriques
comparatives dans des groupes normaux et pathologiques ont donné
entre autres les résultats suivant :
1. Les groupes normaux
ont un nombre de « paires » relativement élevé.
2. La « paire »
est étroitement liée à une bonne adaptation émotionnelle
et à un type de personnalité harmonieuse chez les membres
du groupe.
3. Il y a une relation
émotionnelle étroite entre la « popularité
» sociale, l'adaptation sociale et les traits de caractère
positifs des membres.
4. Les individus présentant
des troubles émotionnels sont plus féquemment rejetés
que les individus neutres du groupe.
5. Les critères
changent avec les type de culture et les situations dans lesquelles
sont faites les expériences sciométriques. Il est bien
certain que par exemple dans une culture « Hopi », les critères
sont autres que dans une culture anglo-saxonne, allemande ou gréco-latine,
et qu'à l'intérieur de chaque sous-culture, les critères
changent selon la situation, comme dans un groupe de militaires, une
école, une famille ou un atelier.
6. Le degré auquel
les individus schizophrènes restent étrangers
les uns aux autres est plus grand dans un groupe pathologique que chez
des individus d'un groupe normal. Ce syndrome de l'éloignement
est très élevé au début de thérapie
dans un groupe schizophrène mais se dissout lentement au cours
du traitement.
LE
PROCESSUS DE TÉLÉ
L'objectivité
de la structure du télé a été prouvée
indirectement par des évaluations quantitatives. Il s'est produit
entre les individus du sociogramme
réel nettement plus de contacts qu'entre les individus du sociogramme
des choix au hasard. C'est le « télé
» qui est à l'origine de la tendance qu'ont les choix réciproques
à être plus nombreux que ne le voudrait le hasard.
Une étude approfondie
des deux sociogrammes nous a rendu attentif à d'autres propriété
du télé. En fait, il ne
se forme pas seulement plus de choix réciproques que dans les
choix au hasard, mais les premiers choix obtiennent en réponse
davantage de premiers choix, les seconds davantage de seconds et les
troisièmes davantage de troisièmes. Les relations réciproques
dans le choix au hasard se révèlent souvent congruentes.
Nos études de groupes d'enfants de toutes les classes d'âge
confirment en outre ces résultats. Le nombre de choix unilatéraux
est plus grand au jardin d'enfant et dans les premières années
d'école primaire que dans les classes ultérieures et s'approche
du rapport donné par le calcul des probabilités.
Les contacts et les relations
réciproques sont plus rares dans ces classes enfantines que plus
tard et leur nombre peut être exprimé d'après les
probabilités. Dans des groupes pathologiques, le nombre des isolés
est plus élevé que dans des groupes normaux et dans des
groupes de hasard ; le nombre des paires est moins grand.
Étant donné
les caractéristiques quantitatives du télé
décrites plus haut, on peut en conclure qu'avec un facteur télé
faible dans la première enfance, le facteur probabilité
joue un rôle plus important dans la formation des configurations
sociométriques. Dès que le facteur télé
prend de l'importance avec l'âge, il exerce une influence plus
grande sur les structures que le facteur probabilités. Si la
structure de télé était
semblable comme le « transfert » — à un système
objectif, les réussites, les erreurs ou l'intuition vague, le
nombre des contacts des chaînes et des réseaux ne dépasserait
pas (ou peu) les données du hasard.
L'augmentation des relations
réciproques ou en chaînes, parallèle à la
maturité croissante des individus, nous a conduit à émettre
l'hypothèse d'un principe élémentaire, le télé,
avec le « transfert » comme dérivé et l' «
empathie » comme dérivé
pathologique.
source : Psychothérapie de
Groupe et Psychodrame, Jacob L. Moreno, Presses universitaires de France,
1965.