Persuasion

De plus en plus, les techniques de persuasion employées par la propagande ou la publicité se fondent sur les données scientifiques. Biologie, neurophysiologie, expériences sur les réflexes conditionnés, sociologie et, de plus en plus, psychologie, psychanalyse, linguistique et sémiologie sont utilisées. De fait, propagande et publicité constituent un vaste champ de vérification d'hypothèses, avec tous les problèmes moraux que cela pose. [...]

[...] La conception classique de l'image correspond au sigle A.I.D.A. : successivement, le message doit attirer l'attention (A), éveiller l'intérêt (I) puis le désir (D) de façon à provoquer l'achat (A). [...]
[...] Mais le désir, qu'est-ce que c'est ? La psychanalyse, qui le définit en termes de pulsions, apportent des réponses qui ont inspiré les recherches des motivationnistes.
Ces derniers, remarquant que l'irrationnel triomphe fort souvent pour ce qui concerne les achats ou le choix politique, ont recherché, à l'instar des psychanalystes, les mobiles (ou motivations) qui nous conduisent. Aux Etats-Unis, le docteur Dichter et Vicary ont ainsi pillé la psychanalyse, comme le montre Vance Packard dans la « Persuasion clandestine » (1958). [...]
[...] Les motivationnistes ont mis au point des techniques d'exploration et d'utilisation du subconscient dont les dangers sont indéniables puisque, presque toujours, il s'agit d'annihiler la raison ou de la piéger.
Ainsi, pour éveiller le désir d'achat, on peut :
— provoquer le plaisir en donnant aux objets des significations agréables,
— flatter le principe de plaisir (au sens freudien),
— utiliser les archétypes ou les mythes,
— s'opposer à des inhibitions souvent justifiées,
— contre la censure du sur-moi, déculpabiliser les acheteurs potentiels.
Dans le domaine politique ou religieux, des techniques identiques, [...], sont utilisées. [...]

[...] Les connotations du texte et du message iconique peuvent solliciter plusieurs mobiles. On obtient ainsi le trajet suivant :
[Texte + image de l'objet + relais] connotations levée des inhibitions et éveil des mobiles acte possible d'achat, de vote, d'adhésion. [...]

[...] L'imagerie politique utilise les ressources de la rhétorique, y compris à travers des motifs devenus de véritables fétiches, des symboles tribaux : croix gammée, croix de Lorraine, francisque, faucille et marteau, rose au point [sic!], bonnet phrygien, etc... Souvent, l'ennemi est métaphorisé en animal, de la pieuvre churchillienne des affiches du temps de l'Occupation aux requins capitalistes.
[...] Les personnages mythiques y sont légion, de l'image de Marx le précurseur à celle de Che Guevara le martyr, des héros du peuple aux brutes sanguinaires d'en face. On est loin des Guy Lux, Tabarly, Borg embauchés pour nous vendre des disques, de la poudre de lait ou des vêtements. Ici, on ne rit plus : l'épique, le tragique, le pathétique sont de rigueur. Et que de mains ouvertes, de poings tendus, de bras enchaînés, d'armes brandies ! [...]

[...] À ce niveau également, les différences avec la publicité sont importantes puisqu'on s'adresse à des mobiles rationnels tels que le souci d'information, de participation civique, de liberté, de stabilité ou de changement. Indéniablement, l'affiche est salutaire, elle est le symbole de nos libertés. Quelle joie, par exemple, avec l'après-franquisme, de voir sur les murs espagnols tant d'images, de slogans, de textes, de dessins en couleurs. Par contre, dans les systèmes à parti unique, l'affiche promeut toujours la même marchandise, les mêmes contenus saint-sulpiciens et donne souvent dans le gigantisme. C'est monotone et fort dangereux.
Parmi les mobiles non rationnels, les désirs de certitude, de conformisme, de suivisme, le besoin du Père ou du Sauveur l'emportent. Et comme le signale Vance Packard, les spécialistes des campagnes politiques insistent sur « l'attraction émotive » du candidat. Pour lui, les Américains consomment du show business politique comme ils consomment des produits vantés par la publicité. [...]

source : Sémantique de l'Image, Bernard Cocula - Claude Peyroutet, Librairie Delagrave, 1986.